Avertissement : cet article parle de mon fonctionnement personnel vis à vis de l’écriture, il ne s’agit en aucun cas de vérités générales.
Quand on demande à un auteur le point d’origine de son histoire, on obtient des réponses aussi multiples que surprenantes. Un personnage, un antagoniste, une scène, un retournement de situation, un concept, une image particulièrement évocatrice, une réplique percutante… Autant de petites étincelles qui peuvent lancer les imaginations sur la piste d’un nouveau roman.
J’ai longtemps cru que mes intrigues se construisaient toutes autour de la destinée d’un personnage. Et c’est vrai, d’une certaine façon : j’ai toujours un protagoniste principal qui « porte » l’histoire. Mais en creusant un peu plus loin, j’ai découvert qu’il y avait davantage que cela. Mes personnages me viennent en même temps que le système de magie du monde dans lequel ils évoluent, et ils testent/subissent ses limites en permanence (à une exception près où j’ai remplacé la magie par des probabilités, parce que les maths c’est bien aussi).
Ce que je veux dire par là ? Prenons quelques exemples dans mes travaux (promis, ça ne dévoile rien d’important) :
- Dans ma nouvelle 23h59, Mathieu peut ralentir le cours du temps autour de lui, une capacité bien pratique quand on doit rendre un travail dans la soirée. De nombreux rebondissements du texte tournent autour des limites de ce pouvoir : dans quelles conditions peut-on l’utiliser ? Pendant combien de temps ? Que se passe-t-il si on est interrompu ?
- Dans une autre nouvelle écrite il y a deux ans, un chevalier noir tue un ermite pour s’approprier les pouvoirs de son artefact. Cette magie vient cependant avec des contraintes inattendues, que l’on découvre dans la suite (et qui lui en font voir de toutes les couleurs).
- Dans ma série de romans jeunesse, mes magiciens sont très fiers du bouclier d’énergie érigé devant leur forêt. Résultat des courses : non seulement cette protection attise la convoitise de leurs ennemis, mais en plus mon héroïne passe les deux tomes à devoir la traverser (avec plus ou moins de facilité).
- Dans un roman young adult, je suis allée chercher plus compliqué. Quitte à introduire des pouvoirs, pourquoi ne pas en créer plusieurs ? Et les faire interagir de manière surprenante, tant qu’à faire. Protagonistes comme antagonistes passent toute l’intrigue à exploiter ces interactions pour tourner la situation à leur avantage.
Je vais m’arrêter là avant de vous lister tous les textes écrits depuis mes douze ans, mais vous voyez l’idée. Là où ce fonctionnement devient intéressant, c’est que depuis que j’ai mis le doigt dessus, mes systèmes de magie m’aident à débloquer d’autres intrigues.
Parlons par exemple du roman que je suis en train de corriger (encore un young adult, on ne se refait pas). En planifiant son écriture, j’avais un certain nombre de certitudes. Je voulais écrire un roman où les pouvoirs des mages reposent sur une collaboration avec des élémentaires. Je voulais une protagoniste en manque d’estime d’elle-même, qui trouverait sa voie au fil du roman. Et sur le moment, pas moyen de relier tout ça dans une intrigue digne de ce nom. Alors j’ai creusé du côté des failles de ce système de magie. Elles sont évidentes, quand on y réfléchit : tout repose sur la bonne volonté des élémentaires. Et si certains d’entre eux décidaient de changer les règles du jeu ? Il ne me restait plus qu’à lâcher mon héroïne au milieu d’un tel chamboulement pour trouver les premiers jalons de mon histoire. La suite s’est enchaînée assez naturellement.
Pour conclure (parce que je me suis déjà bien étalée), l’essentiel de cet article tient en deux points :
- Les systèmes de magie sont un excellent moyen de martyriser les personnages (et de faire avancer l’histoire, accessoirement).
- N’hésitez pas à creuser les moteurs de vos intrigues, comprendre la façon dont on fonctionne aide à résoudre certains blocages.