Une célèbre interview de George R.R. Martin classe les auteurs en deux catégories, les architectes et les jardiniers. Les architectes font des plans et préparent leur intrigue avant le début de la rédaction, là où les jardiniers plantent une idée et découvrent la façon dont elle pousse au fur et à mesure de l’écriture.
Ces deux catégories sont très populaires dans les milieux d’écriture, mais je ne m’y reconnais pas à titre personnel : mon fonctionnement se situe trop entre les deux. Je planifie avant de me lancer dans un premier jet, parce que j’ai besoin de connaître ma fin et le fonctionnement de mon monde, mais ce n’est qu’une structure grossière, dont je dévie fréquemment en cours de route.
Je suis par contre tombée sur cet article de blog de Lise Syven, qui m’a beaucoup parlé. Voir l’écriture comme un voyage ou une randonnée dans un endroit inconnu colle beaucoup plus à ma manière de faire. Autre avantage, cette métaphore laisse beaucoup de place aux variations et interprétations (certains randonneurs vont emprunter un chemin sans la moindre idée de là où il mène, d’autres auront tout planifié à l’avance, mais tous auront une expérience de voyage, comparable par certains aspects).
Filons donc la métaphore, pour voir comment elle s’applique à mes méthodes de travail.
La planification, ou quand on repère le coin et qu’on file acheter des cartes
Mes romans commencent le plus souvent avec un point de départ net et une idée très floue de là où je veux aller. Je me dis que j’aimerais bien faire une randonnée de quatre ou cinq heures (aussi appelée roman one-shot), en passant si possible près d’un petit lac (et d’un troupeau de dragons). C’est le moment où je sors la carte et où j’étudie les différentes options qui s’offrent à moi. J’esquisse des personnages, je bidouille les règles de la magie, je réfléchis aux situations finales possibles…
Une fois que la direction générale devient claire dans ma tête (enfin, claire, vaguement pas trop floue quoi), je rentre dans le détail. Je scrute les petites lignes de la carte IGN pour chercher un chemin cohérent qui passe aux endroits repérés, si possible en évitant de faire trop de boucles bizarres. Et quand je m’estime satisfaite, je passe à l’étape suivante.
Le premier jet, ou quand on enfile ses chaussures, tartine la crème solaire et part à l’aventure
Quand je me sens assez en confiance, je lance la rédaction du premier jet. Au début tout se passe comme prévu, je longe soigneusement les balisages, jusqu’au moment où… Parfois, je découvre qu’un ruisseau a emporté le chemin (quand ma protagoniste tombe amoureuse de manière inopinée, par exemple). D’autres fois, un sentier me fait de l’œil alors que je n’avais pas prévu de l’emprunter (« Oooh, mais si mon personnage faisait ça plutôt, ça a l’air chouette ! »). Donc je dévie du chemin planifié et je me débrouille pour ajuster les conséquences, quitte à couper à travers champs pour atteindre la suite de mes objectifs (parce que j’essaie quand même de ne pas trop les perdre de vue).
Ça arrive aussi que je découvre avoir tourné en rond, quand la tentative d’un personnage échoue sans crier gare et que l’intrigue stagne. Dans ce cas, j’essaie de me rappeler que ce n’est pas grave (un premier jet n’a pas vocation à être parfait), je mets un commentaire dans la marge en prévision des corrections, et je force le passage dans une autre direction.
Jusqu’à poser le point final, des mois plus tard, la tête emplie de belles découvertes.
Et vous, cette idée de voyage, ça vous parle ?